Il y a 48 heures, les tout nouveaux magistrats ont prêté serment après une formation militaire et un autre pas moins intense à l’institut de formation judiciaire. Un homme a tout de suite fait l’objet de nombreuses publications sur les réseaux sociaux, il s’agit de Cheick Oumar Doumbia.
Si être magistrat au Mali a toujours suscité de la fierté des proches et de la famille, son cas est particulier car il a été dans un passé pas très lointain, un rappeur très engagé connu sous le nom de « Lezy Booza ».
« C’est très rare de voir un rappeur malien se hisser à ce niveau » ce témoignage d’un internaute sous une publication est le sentiment général qui domine après avoir vu le juge Cheick Oumar Doumbia parmi ses confrères.
Ce commentaire est aussi révélateur du faible estime que les gens ont ici pour les rappeurs. Des « regards condescendants » qui ont d’ailleurs selon ses propres mots poussés « Lezy Booza » a tronqué ses casquettes, ses chaines, ses Timberland et autres accessoires bling-bling de rappeur pour ceux moins tape-à-l’œil de l’étudiant studieux en droit à l’Institut des Sciences Politiques, Relations Internationales et Communications (ISPRIC).
Une leçon au monde du RAP malien ?
Cet accomplissement d’un rappeur devenu magistrat est le témoignage qu’être rappeur c’est avoir un certain niveau, de la suite dans les idées pour donner à écouter des textes engagés, de belles tournures, des punchlines, toutes ces choses qui ont contribué à rendre des rappeurs comme Didier Awadi ; Smarty, Booba, Kery James etc incontournables.
Avant d’incarner cet exemple, il le disait déjà dans ses textes entre 2014 et 2015. Dans son titre « 9 millimètre » ou encore « RIP Mali Rap » à l’allure de « procès du Rap malien » il faisait un état des lieux peu reluisant du milieu avec des accointances, des boycotts pour le franc parler et la promotion de la médiocrité au détriment des méritants.
Cette réussite au concours de la magistrature et de celui des greffiers en chef en même temps est certainement une revanche sur ce milieu du Rap où selon lui il était « incompris, détesté pour mon franc parler, abandonné par une jeunesse négativement influencée par des promoteurs de spectacles… »
Justicier avant l’heure
S’il y a bien un registre dans lequel « Lezy Booza » s’était fait connaitre c’est celui du Rap engagé, conscient, appelant la jeunesse à prendre son destin en main et le continent à s’affranchir des chaînes du néocolonialisme.
Dans de nombreux titres il avait dénoncé le basculement lent mais perceptible à l’époque du vrai Rap vers les injures de pères et de mères et tout le laisser aller dans ce milieu qu’il voyait impuissant sombrer dans de nombreuses dérives.
Ce fils de greffière en chef à la retraite (bon sang ne saurait mentir) prête serment à un peu plus d’un mois de l’assassinat d’un autre rappeur, Lord Makhavely.
Il n’est certainement pas « Zorro » même dans sa robe noire, mais Cheick Oumar Doumbia a désormais la chance et la responsabilité de travailler à éradiquer les nombreuses dérives qu’il dénonçait quand il était « Lezy Booza ».
Mohamed DAGNOKO