EDITORIAL : Le triomphe d’un homme, par Sidy DIO

Les urnes ont parlé. Le peuple, le vrai, celui que l’on invoque à longueur de discours pour valider les postures les plus étonnantes, a tranché. Il a confirmé son choix du 24 mars. Il a choisi de donner au nouveau pouvoir les moyens d’intervention politiques pour transformer ses intentions en actes concrets.

Et ce choix n’a surpris que les « sceptiques résolus », car les Sénégalais ont toujours donné la majorité au président de la République qu’ils ont élu. Ces législatives n’ont donc pas dérogé à la règle. Un plébiscite pour Pastef. Un triomphe pour Ousmane Sonko.

Sans se lancer dans des comparaisons hasardeuses, il serait intéressant quand même de s’arrêter un moment sur le rayonnement actuel du président du parti au pouvoir. Rarement un homme politique n’a suscité autant de passion et d’engagement.

Son immense influence sur la scène politique est un excellent sujet pour les sciences sociales.

Pour la comparaison, certains observateurs ont regardé Sonko dans le miroir de Me Wade. Ils avaient même prophétisé une opposition au long cours du leader du Pastef comme le Pape du « Sopi ».

Pendant très longtemps, en effet, Me Wade n’a pu convaincre une bonne partie de l’opinion sénégalaise qu’il avait une vraie stature d’homme d’État. Nombre de nos compatriotes, les plus âgés en particulier, l’ont toujours pris pour un incendiaire et n’ont jamais pris le risque de voter pour lui.

Comme Sonko aujourd’hui, Wade avait le soutien d’une partie de la jeunesse. Mais la classe populaire, faiseuse de roi, avait toujours misé sur une forme de stabilité qu’incarnait Abdou Diouf, homme au verbe rare et de retenue.

Plus tard, Macky Sall a fait tomber le même Wade grâce aux promesses d’apaisement qu’il a charrié tout au long de sa quête du pouvoir. Les Sénégalais avaient alors toujours préféré la ligne claire de la paix sociale au trait obscur de l’embrasement.

Le pouvoir apériste a secoué à l’excès cette fibre sensible, le dépeignant sous les traits les moins engageants. Mais ces partisans, informés de la démarche d’exclusion de Macky Sall et de son pouvoir, ont constitué un bouclier efficace. Aujourd’hui encore, dans les salons feutrés de la bien-pensance des élites politico-médiatiques dakaroises, la montée en puissance de l’actuel Premier ministre est un rude coup au bon sens. Pourtant, le bon sens étant, selon Descartes, la chose la mieux partagée au monde, plus de la moitié des Sénégalais, qui n’en manquent pas, ont fini d’adhérer à son projet politique et de tourner le dos aux appareils politiques classiques et à leurs promoteurs.

Voilà un homme qui, au début de son odyssée politique, avait une cible qu’il appelle le système. Une arme : un discours souverainiste. Et un expédient : la jeunesse. En moins de 10 ans, il a su cocher à des cases qui fédèrent de larges segments de notre société au point d’agréger à son profit les votes populaires et ceux des élites. La stratégie d’antagonisation qu’il a promu ces dernières années a fini d’envoyer au tapis des figures qui, il n’y a guère, étaient au centre du jeu politique.

Tout bien considéré, le vote de dimanche dernier ouvre une nouvelle séquence. Le pouvoir actuel a fini de conquérir tous les leviers nécessaires à une concrétisation de son programme économique. Les défis sont énormes, les attentes nombreuses, mais le chemin est encore sinueux. Les autorités sénégalaises estiment avoir besoin d’environ 18 500 milliards de francs CFA pour financer la Stratégie quinquennale (SND 2025-2029).

Selon l’économiste Ndongo Samba Sylla, le gouvernement sera aussi confronté à une charge de la dette jamais atteinte dans l’histoire du Sénégal. Notre pays devra, en effet, payer près de 11 000 milliards de francs CFA à ses créanciers durant la même période. Un proverbe chinois nous enseigne que « Les grands bonheurs viennent du ciel, les petits bonheurs de l’effort. » Après la jubilation, de grands efforts et, certainement, des sacrifices consentis seront nécessaires pour placer le Sénégal sur la voie du bonheur partagé.

Le Soleil : Sidy Diop

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