À Rabat, pour les Market Days de l’Africa Investment Forum 2024, première plateforme dédiée à l’in- vestissement et au partenariat sur le continent africain, Mossadeck Bally, président du patronat ma- lien et fondateur ainsi que PDG du Groupe Azalaï Hôtels, partage, dans cet entretien, sa vision des grands enjeux économique du continent.
Financement des Pme. «Toutes les économies, qu’elles soient développées ou en voie de développement, reposent sur un tissu de Petites et moyennes entre- prises (Pme). Et un pays ne peut pas avoir de champions sans Pme. Parce que des champions sous-traitent avec des Pme. Toutes les grosses sociétés mondiales sont devenues des majors parce qu’elles ont réussi à organiser un tissu de Pme et elles sont devenues leurs sous-traitants. Il est donc extrêmement important et le mes- sage que nous portons en tant qu’entre- preneur, mais aussi patronat à nos gouvernements et aux institutions natio- nales comme internationales, c’est qu’ils doivent accorder beaucoup plus d’impor- tance aux Pme, mais surtout elles doivent être financées. Nous avons passé le mes- sage pour qu’il y ait beaucoup plus d’atten- tion, beaucoup plus de financement à l’endroit de nos Pme. Parce que le déve- loppement du continent africain passera forcément par ce tissu de Pme, puisque toutes les économies qui se sont dévelop- pées sont passées par le développement des Pme. Et puis émergeront des cham- pions à partir de ces tissus de Pme. C’est un message que nous lançons aussi aux banques commerciales qui soutiennent que le financement des Pme est trop ris- qué. C’est pourquoi les Pme n’arrivent pas à avoir de financement. Il faut que le monde de la finance trouve un mécanisme pour accompagner les Pme à se formaliser et à se structurer pour pouvoir bénéficier de l’accompagnement du système finan- cier.»
Fiscalité et secteur informel. «C’est vrai que beaucoup de nos Pme sont encore dans l’informel. Mais il y a un élément très important qui va amener ces Pme à se for- maliser, c’est lorsque nous aurons des ad- ministrations publiques fiscales qui vont être de vrais partenaires, au lieu d’être des administrations fiscales prédatrices. Qu’est-ce qui amène les gens à rester dans l’informel ? C’est parce qu’ils se disent que dès que je sors la tête, on va me la couper. Donc on doit faire en sorte que la fiscalité soit moins confiscatoire et soit beaucoup plus partagée, que l’assiette fiscale soit élargie pour que chacun paie en fonction de ses revenus, que ça soit des entreprises ou des personnes physiques. SI on le fait, on verra que l’informel va considérable- ment se réduire parce que les gens n’au- ront plus d’incitation à rester dans l’informel. Mais tant que nous aurons un système fiscal qui va surtaxer un petit nombre et qui va oublier la majorité, nous aurons un secteur informel hypertrophié. Je ne parlerai pas de patriotisme fiscal, mais je pars du principe que lorsque vous créez une entreprise, vous créez de la ri- chesse. Et cette richesse doit être partagée par tous ceux qui sont intéressés. Les pre- miers qui profitent de la richesse créée par une entreprise, ce sont les salariés, ensuite l’Etat vient en deuxième position
avec les impôts et les banquiers viennent après pour récupérer les intérêts de leurs prêts, etc. Donc ce n’est même pas une question de patriotisme, mais c’est une obligation de payer de l’impôt. L’impôt est un pacte social entre un Etat et ses citoyens. Mais malheureusement, dans beaucoup de pays africains, ce pacte social n’est pas respecté. Parce qu’on voit que l’Etat collecte des ressources sous forme d’impôts et de taxes, mais que les services dus à la société ne sont pas là.
Développement du tourisme. «On ne peut pas faire du tourisme et de l’hô- tellerie sans intégration. Pendant le forum, j’ai donné mon exemple. Je suis un Africain avec un passeport malien et je peux me déplacer dans une vingtaine de pays africains sans visa, c’est-à-dire les pays de la Cedeao et d’autres qui ne de- mandent pas de visa. Alors que dans les 24 autres pays africains, il me faut un visa. Et pourtant, avec mon visa Schengen, je peux me déplacer dans 27 pays euro- péens. Voilà une aberration de la non-in- tégration des États africains. On nous a toujours parlé de l’intégration africaine, mais ça reste toujours à l’état de pro- messe. Il faudrait que n’importe quel Afri- cain avec un passeport d’un pays africain puisse aller dans les 53 autres pays sans visa et cela va booster le tourisme. Et no- tamment le tourisme intra-africain. Maintenant comment on peut dévelop- per un tourisme intra-africain, s’il coûte moins un voyage Dakar-Dubaï pour faire des vacances que Dakar-Abidjan qui est a à peine deux heures. Tant que nous n’avons pas réglé ce problème, on ne pourra pas développer le tourisme et l’hô- tellerie. Le salut du continent africain passera par l’intégration du continent. Il nous faudrait ouvrir les frontières, un visa free africa, des connexions aériennes à coût abordable et des infrastructures éco- nomiques.»
Source l’OBS