Nous sommes en 1945, dans la baie de Tokyo. Le Japon vient de signer sa reddition sur le cuirassé USS Missouri. Deux villes ont été anéanties par les bombes atomiques américaines, des millions de vies détruites, un pays humilié.

L’empire millénaire a perdu sa gloire, son armée, sa foi en lui-même. Tout semble fini.

Mais au lieu de nier la défaite, le Japon choisit de la regarder en face. Il s’engage sur une autre voie : celle du travail, de la mémoire et de la discipline. Celle du kintsugi, cet art, cette philosophie multiséculaire né de la légende qui rapportait qu’un vieux général capricieux, refusant de jeter son bol de thé fêlé, exigea qu’on le restaure sans effacer la trace du bris.

Les artisans réussirent à réparer la porcelaine brisée avec de la laque et de la poudre d’or. Ils combinèrent dans les fissures beauté, mémoire et force.

De ce symbole, le Japon fit une philosophie nationale : ne rien dissimuler, transformer la douleur en sagesse et la perte en perfection.

Des cendres d’Hiroshima et de Nagasaki surgit une puissance économique, technologique et morale sans équivalent.

Et si le Mali, lui aussi, apprenait à réparer avec de l’or ?

Ses fissures sont visibles :

– sécuritaires, là où l’État n’est pas présent

– sociales, là où la confiance s’est rompue

– mémorielles, là où les récits se contredisent.

Ses artisans existent déjà.

Ce sont des enseignants qui persistent à instruire, des soldats qui tombent tous les jours sous les balles ennemies, les médecins qui soignent malgré tout, des magistrats qui refusent le compromis, des citoyens qui, chaque jour, réparent sans bruit.

C’est autour d’eux que peut se reconstruire la confiance, avec l’or de la vérité, la laque de la patience et le fil de l’unité.

Combien de temps encore repousserons-nous ce face-à-face avec nos propres failles ?

Quand le Mali, trouvera-t-il lui aussi son propre art de la jointure. Une manière de verser, non pas de l’or, mais de la lucidité dans ses fissures les plus profondes : celles qui séparent le Nord du Sud, le citoyen de l’État, la tradition d’une modernité jamais accomplie.

La refondation consistera à apprendre à réparer sans effacer, à grandir sans renier ce qui a blessé. Trois pas peuvent y conduire :

– Reconnaître ce qui s’est brisé c’est-à-dire avoir le courage de dire ce qui n’a pas marché, d’assumer les erreurs, les trahisons et les blessures.

– Réparer ce qui peut l’être donc encourager chaque geste de paix, chaque acte de solidarité, chaque main tendue.

– Transformer ce qui fait mal en force, notamment faire de nos épreuves une source de lucidité et de maturité, pour construire une identité plus forte et plus juste.

Les nations ne se relèvent pas en effaçant leurs blessures, mais en les assumant.

Le Mali grandira non pas malgré ses failles, mais à travers elles, le jour où il transformera chaque fracture en fil d’or, chaque épreuve en motif de renaissance.

L’or le plus précieux n’est pas dans le sous-sol. Il est dans nos consciences, là par où se construisent et se refondent les nations.

Mohamed HOUNA

Passionné d’histoire

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