Après l’acquisition de 20.000 hectares dans le Nord du Sénégal, le sulfureux homme d’affaires y prevoit la culture du foin de luzerne pour le bétail des pays du Golfe persique. Une culture gourmande en eau qui menace la sécurité alimentaire et l’approvionnement en eau potable de certaines grandes villes.

 

Coucou ! Revoilà Franck Timis. Après le pétrole et le gaz, l’homme d’affaire roumain jette maintenant son dévolu sur le foncier sénégalais et sur l’agriculture. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute que c’est lui qui est derrière l’accaparement des 20.000 hectares de terres dans le Nord du pays, plus précisément dans la commune de Nguinthe comme cela a déjà été évoqué par le passé par le journaliste de la RFM, Abdoulaye Cissé. Mieux, Bloomberg informe qu’il aurait racheté 26000 hectares de la réserve naturelle (de Ndiael) pour 8 millions de dollars. ‘’Trois ans plus tard, African Agriculture a été constituée au Delaware et supervise désormais le projet. Timis l’a rebaptisé Teranga Farms, adoptant un mot wolof qui décrit l’hospitalité sans faille, une valeur fondamentale du Sénégal’’, ajoute le média américain.

En attendant d’en savoir plus sur les conditions dans lesquelles le sulfureux homme d’affaire a réussi à faire mainmise sur ces terres, EnQuête apprend avec Bloomberg que ces dernières vont servir pour la culture de luzerne destinée principalement aux marchés arabes. ‘’Pour l’instant, ce fourrage riche en protéines nourrit les vaches squelettiques du Sénégal. Mais le président directeur général d’African Agriculture, Alan Kessler, affirme que son plan d’affaires prévoit l’exportation de 70% de la récolte, sur les 20.000 hectares qu’elle envisage de cultiver à terme, pour nourrir un bétail de plus grande valeur dans le golfe persique’’, précise la source.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette culture de luzerne menace doublement la souveraineté alimentaire au Sénégal. Au-delà des surfaces importantes amputées aux paysans locaux, cette culture représente également une grave menace sur le lac de Guilers qui fournit une bonne partie de l’eau potable consommée à Dakar et dans d’autres grandes villes. ‘’La luzerne, à échelle, consommera quotidiennement environ deux fois plus d’eau du lac que les pompes et les pipelines acheminent actuellement vers Dakar’’, met-on en garde. L’affaire est d’autant plus grave que, selon un rapport de la Banque mondiale, la demande en eau dans la capitale devrait augmenter d’environ 300% au cours des 25 prochaines années.

Danger sur l’approvisionnement en eau potable des populations 

C’est d’ailleurs pour cette raison que des pays comme l’Arabie Saoudite ont en quelque sorte sous-traité la production de cet aliment de bétail à d’autres pays. Il y a une dizaine d’années, réalisant qu’elle dépensait des pétrodollars pour détruire ces réserves d’eau qui avaient mis des millions d’années à se remplir, le royaume avait commencé à interdire la culture de certaines variétés gourmandes en eau. ‘’Dans un effet domino, à partir de 2014, des entreprises alimentaires d’Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis ont créé des fermes de luzerne en Californie et en Arizona pour exploiter les eaux souterraines des Etats Unis et le fleuve Colarado’’, informe le média américain qui ajoute : ‘’Au cours de la dernière décennie, les exportations américaines de foin de luzerne vers l’Arabie Saoudite ont grimpé de plus de 1500%, pour atteindre environ 300.000 tonnes l’année dernière.’’ Moins que ce que prévoit de faire Timis au Sénégal. ‘’African Agriculture, à pleine production, expédiera 350.000 tonnes de luzerne sénégalaise vers l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis, supplantant ainsi une grande partie de ce que ces deux pays achètent actuellement aux Etats Unis.’’

En sus de trouver des terres alternatives au Sénégal, les clients auront également le bonheur de payer moins cher. En effet, informe Bloomberg, l’eau du lac de Giers qui permet d’irriguer les champs de luzerne ne coute que 5% de ce que coute l’eau en Europe et aux Etats Unis. Aussi, la distance de navigation entre le Sénégal et le Golfe Persique est de moitié moins longue que celle entre le Golfe Persique et la Californie.

Pour rappel, les terres en question sont celles-là même qui ont été attribuées à des Italiens dans le cadre du projet Sen huile sen éthanol. Ces derniers se sont retirés par la suite du projet qui, finalement, s’est retrouvé entre les mains de Timis, sans que les populations ne sachent comment cela a pu avoir lieu.

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